Focus

L. Elertowicz, 1. RAA-A

Publie le 28/03/2015

De la Mazovie à l'Ecosse

Ladyslaw Elertowicz est né en 1913 à Lisow, une petite ville près de Radom. Il participe à la campagne de Pologne au sein du premier régiment d’artillerie anti-aérienne à Varsovie. Après la défaite de Septembre 1939, il parvient à rejoindre la France à la fin de l’année 1939. Comme beaucoup de ses compatriotes, il se retrouve alors au camp de Coëtquidan, en Bretagne, où se constitue l’armée polonaise en exil, afin de poursuivre la lutte contre l’Allemagne nazie. De Pologne comme de France, les volontaires y affluent très nombreux et permettent de créer la 1ère division de grenadiers, puis la 10e brigade de cavalerie blindée.

Malgré la terrible défaite de l’armée Française en juin 1940, notre sergent polonais parvient à s’embarquer à Saint-Nazaire et à gagner l’Ecosse, ou il participe à la mise sur pied et à la création de la première division blindée polonaise qui sera commandé par le général Maczek.

Véhicules polonais de l’unité anti-aérienne de la division. Le numéro
73 indique l’unité. Collection F. Normand.
Les années suivantes sont consacrées à la formation et l’instruction des recrues afin de faire de cette division polonaise une unité d’élite. Le sergent Elertowicz est affecté au 1er régiment d’artillerie anti-aérienne. Au cours du séjour en Ecosse, il rencontre une jeune Ecossaise, avec laquelle il se marie. Finalement, le mois de juillet 1944 arrive, et la première division blindée polonaise dans laquelle sert L. Elertowicz quitte l’Ecosse pour la Normandie.

Dans son carnet de route, L. Elertowicz note le départ à 17h, heure de Dover. En cette journée du 1er août, la Lufwaffe et la Kriegsmarine ne sont plus que l’ombre de leur puissance passée et la traversée de la Manche s’effectue sans aucun souci.

L’unité est engagée dès son arrivée début août pour percer au Sud de Caen en direction de Falaise, ce sera l’opération Totalise puis Tractable. Au cours des trois 3 jours dont dispose la division de monter en ligne, L. Elertowicz traverse de nombreux villages dévastés par les combats et les bombardements. Il est particulièrement touché par la détresse et la misère des Français libérés, surtout les enfants.

Totalise et Tractable

Le 8 août voit le déclenchement de l’opération Totalise. L’unité du Sgt Elertowicz scrute le ciel à la recherche d’appareils allemands. Pourtant, ce jour là, c’est un raid de bombardiers lourds alliés qui vient frapper la 1ère DB polonaise, semant la mort et la désolation. Le 11 août, une nouvelle attaque menée par des chasseurs-bombardiers britanniques Typhoon provoque de nouvelles pertes parmi l’infanterie que le régiment anti-aérien protège (4 blessés). Le 15 août, la division perce le front de la Dives, mais est touchée par une nouvelle erreur de l’aviation alliée : cette fois-ci, des bombardiers lourds Lancaster manquent leur cible. L’unité déplore un tué et plusieurs blessés graves.

Une jeep de l’unité anti-aérienne a l’abri des chasseurs bombardiers
sous des pommiers. Collection F. Normand.
L’incompréhension laisse peu à peu place à la colère, c’est la troisième erreur de l’aviation alliée en seulement 8 jours de présence au front ! Les soldats se méfient de plus en plus de ces bombardiers – très nombreux dans le ciel normand en cette fin de mois d’août 1944 – qui visent au jugé, sans tenir compte des signes distinctifs déployés par les unités au sol.

Le régiment anti-aérien accompagne ensuite la 1ère DB polonaise en direction de Chambois. Le 16 août, L. Elertowicz note dans son carnet la présence de snipers qui harassent les équipages. Plusieurs canons ennemis détruits jonchent la route. Le 18 août, l’unité repousse une attaque de l’aviation allemande, mais ne subit aucune perte.

Dans la poche de Falaise - Chambois

Le 19 août voit le début des opérations autour de la côte 262. L’unité anti-aérienne se trouve positionnée dans le secteur d’Ecorches. Le ciel est très dégagé, idéal pour l’artillerie anti-aérienne, mais la Luftwaffe se fait terriblement discrète. Les soldats en profitent pour boire quelques verres de cidre apportés par les locaux. Une nouvelle erreur survient lorsqu’un P-51 "Mustang" les attaque à nouveau, alors qu’il est pourtant bien loin des lignes ennemies. Tout le monde est un petit peu nerveux durant la nuit, la pluie commence à tomber.

La journée du 20 août commence sous la pluie. Semblant sortir de nulle part, des civils apparaissent au milieu des décombres et des destructions. Les Polonais ne comprennent pas leur présence au milieu du champ de bataille, alors que les combats font encore rage. La nuit se passe de manière très calme.

Un canon de l’unité anti-aérienne de la 1ère division blindée polon-
aise dans le secteur d’Ecorches. Collection F. Normand.
Le lendemain, le sergent Elertowicz voit encore fuir de nombreux soldats allemands. Les habitations ne semblent pas trop endommagées par les tirs et les bombardements, mais de nombreuses tombes de soldats polonais balisent désormais les sentiers. Son témoignage est particulièrement intéressant pour le 23 août, puisqu’il décrit des groupes de soldats allemands isolés qui continuent à fuir vers l’est. Finalement, le 24, son régiment est mis au repos.

Comme l’unité anti-aérienne n’est pas directement impliquée dans ces combats, les équipages des canons peuvent écouter les nouvelles de la BBC sur les radios des véhicules. Or, ces nouvelles ne sont pas encourageantes pour ce qui concerne l’avenir de la Pologne : l’insurrection vient de débuter à Varsovie, mais les Alliés occidentaux ne font rien pour venir au secours de la capitale polonaise, tandis que les Soviétiques restent l’arme au pied, de l’autre côté de la Vistule. Sombre présage quant à l’avenir politique de la Pologne, doutes sur ses frontières futures, sur la forme de son gouvernement…

L’ennemi chassé de Normandie, ce sera ensuite la poursuite vers le nord de la France et la Belgique, puis la campagne de Hollande. Le périple de ce soldat se terminera en mai 1945 à Wilhelmshaven, dans le nord de l’Allemagne. Démobilisé en 1948, il rejoint son épouse Betty en Ecosse, à Blairgowrie où il s'impliquera dans les activités de sa ville.

Ladyslaw Elertowicz s’est éteint le 3 avril 2009 à l’âge de 96 ans. Les objets lui ayant appartenu sont désormais visibles dans l’une des vitrines du Mémorial de Montormel.

                                                     Ladyslaw Elertowicz et son épouse, Betty.  


Frédéric Normand