Décès du Président Polonais Lech Kaczynski

Mis en ligne: 2010-04-13

"L'histoire ne se répète pas. Elle bégaye".

Avec une triste ironie, c'est cette phrase attribuée à Karl Marx qui illustre peut être le plus justement la tragédie que vient de revivre la Pologne dans la cruelle forêt de Katyn, à exactement 70 ans d'intervalle, lorsque le Tupolev Tu-154 M de la présidence polonaise s'est abimé à quelques centaines de mètres de la piste d'atterrissage.

A cette occasion, le Mémorial de Montormel - Coudehard présente ses condoléances à toute la nation Polonaise, endeuillée par la disparition tragique de son Président.


Quelques informations sur le Président Kaczynski

Lech Kaczynski Lech Aleksander Kaczyński est né le 18 juin 1949 à Varsovie. Il est diplômé de la faculté de droit de Varsovie.

Dans les années 1970, avec son frère jumeau Jaroslaw, il milite au sein de mouvements pro-démocratiques et anticommunistes en Pologne. Il épouse l'économiste Maria Mackiewicz en 1978, avec laquelle il a une fille, Marta.

Il devient, en août 1980, conseiller au comité de grève du chantier naval de Gdańsk et du mouvement syndical Solidarność. Durant la loi martiale imposée par le général Jaruzelski en décembre 1981, Kaczyński est emprisonné comme "élément antisocialiste".

A la légalisation de Solidarność en 1989, Lech Kaczyński devient un conseiller actif de Lech Wałęsa. Il participe aux négociations de la table ronde, qui aboutissent sur des accords entre le gouvernement et les chefs de l'opposition.

En juin 1989, il est élu membre du Sénat et vice-président du syndicat Solidarność. De février 1992 à mai 1995, Lech Kaczyński est le président de la Cour des Comptes polonaise (Najwyższa Izba Kontroli - NIK), et, plus tard, ministre de la Justice dans le gouvernement de Jerzy Buzek (juin 2000- juillet 2001). En 2001 il fonde le parti conservateur Droit et justice (PiS), et est élu l'année suivante maire de Varsovie. A ce poste, il parvient, entre autres, à faire construire le musée de l'Insurrection de Varsovie. Le 23 Octobre 2005, il est élu Président de la République de Pologne.

Un aperçu de son mandat

Sur le plan économique, Lech Kaczyński n'était pas un libéral. Il était partisan de la libre concurrence, mais tout aussi enclin à justifier l'interventionnisme de l'Etat, quitte à subventionner des entreprises ou institutions non rentables (chantiers navals, chemins de fer, mines...) et à refuser d'affronter certains sujets épineux (retraites, pensions maladies...) qui handicapaient l'économie polonaise renaissante. Au début de son mandat, il a eu une tentation absolutiste en écartant les libéraux (pourtant ses alliés "naturels" contre les post-communistes) au profit des populistes, ce qui s'est traduit par des scandales à répétition, le blocage du gouvernement, des élections législatives anticipées et la défaite de son parti.

Le couple présidentiel reçu au Vatican par Benoît XVI.
Octobre 2009. © Life
Par contre, Lech Kaczyński a toujours cherché à promouvoir une certaine idée de la Pologne. Il prônait une réforme en profondeur du pays, "dans la justice, la solidarité et l'honnêteté".

Dans ce cadre, il a entrepris de lutter (avec succès) contre la corruption, mal endémique du pays depuis le 17e siècle; le bureau central anti-corruption (CBA) qu'il a crée est à l'origine de plusieurs arrestations spectaculaires. Il a également dénoncé les arrangements et l'influence de la nomenklatura post-communiste, caractérisée par les liens troubles du tryptique business d'aubaine / crime organisé / milieux politiques. 

Il a voulu mettre en avant les "petits", humbles et oubliés, qui s'étaient engagés pendant la guerre 1939 - 1945 dans la lutte armée, puis dans la résistance au communisme. Lors des commémorations à Montormel en Août 2009, il a initiallement dépéché le chef du bureau de la sécurité intérieure, Aleksander Szczyglo (mort dans le même accident), à nos cérémonies.

Il a également essayé, avec un succès plus limité, de rétrograder les officiers de la police politique et les pontes de l'ancien régime qui s'étaient occtroyés avant la chute du communisme en 1989 immunités, avantages et pensions dorées.

A ce sujet, on peut parler de président réellement patriote, et c'est la raison qui explique, au delà des divergences politiques, la présence de dizaines, probablement de centaines, de milliers de Varsoviens sur le passage de son cortège funèbre le lendemain de sa disparition. La capitale était en émoi comme au temps du grand Jean Paul II, la foule se pressait, formant une barrière étanche des deux côtés de la route sur les 8 ou 10 kilomètres du parcours entre l'aéroport et le Palais Présidentiel.

Au nombre des disparus figurait Ryszard Kaczor-
owski, dernier chef du gouvernement polonais en
exil à Londres.
Ce fut un président Catholique, et c'est peut être encore ce qui résume le mieux ses prises de position, mieux en tout cas que conservateur. Attaché à ses convictions, il a toujours refusé d'endosser le jeu médiatique, préférant afficher des opinions tranchées et personnelles que de suivre les modes de pensées successives et d'arborer le ronronnement doucereux d'une caste médiatique qui n'a pas encore - en Pologne comme ailleurs - trouvé les limites de son pouvoir. Il fut notamment opposé aux pressions en faveur des couples homosexuels, mais aussi à l'avortement - y compris, anecdote croustillante, contre l'avis de sa femme. Au nom de l'indépendance, il se montra constamment eurosceptique, voyant dans le dédale de la bureaucratie bruxelloise une atteinte à la souveraineté de la nation.

A contrario de ce qu'on peut associer habituellement au conservatisme, il n'était absolument pas antisémite, en témoignent les prières célébrées dans les synagogues du pays à sa mémoire. Il fut d'ailleurs le premier président polonais en exercice à se rendre dans une synagogue.

L'accident qui le tue Samedi est incontestablement une tragédie épouvantable. Mais la sagesse populaire dit aussi, en Pologne, que "il n'y a pas de si grand Mal qu'il ne puisse en naître un Bien". A ce titre, la projection du film "Katyn" d'Andrzej Wajda, le lendemain de sa mort, sur la chaine principale Russe et en prime time (Verrons nous un jour la même chose en France?), après 70 ans de négation de leur responsabilité par les Russes, est incontestablement sa grande victoire posthume.

Jacques Wiacek



Projet / Rèalisation: www.evl.pl