Luttich - la contre-offensive allemande

Réorganisation alliée

Le succès de Cobra et la quantité de plus en plus massive de troupes débarquées sur la tête de pont normande permirent au haut commandement allié de procéder à la réorganisation de ses unités en créant deux nouveaux groupes d’armées :

  • Le 21e Groupe d’armées britannique fut crée pour encadrer la 1ère armée canadienne, dont l’activation était effective depuis le 23 juillet. La 1ère armée canadienne devenait à cette date la première unité de cette taille dans l’histoire du Canada, qui plus est à combattre à l’étranger. Elle devait être rapidement amenée à jouer un rôle de premier plan dans l’avance sur Falaise et la fermeture de la poche du même nom.
  • Le 12e Groupe d’armées US fut crée sur la base de la 1ère armée US, renforcée depuis le 1er août par l’activation de la 3e armée de Patton. Jusque là, le bouillant général jouait un rôle secondaire dans l’opération de désinformation Fortitude, avec la mission de faire croire l’ennemi à l’existence d’un « premier groupe d’armées américain » et confirmer ainsi les fantasmes d’Hitler sur la possibilité d’un débarquement dans le Pas de Calais. Cette opération ayant été couronnée de succès, Patton pouvait revenir à des occupations plus conformes à sa vraie nature. Sa furieuse charge blindée devait le conduire en à peine deux semaines sur les berges de la Seine...

Contre-offensive allemande

La brèche ouverte à Avranches représentait un danger vital pour l’armée allemande en Normandie. En effet, après la 1ère Armée de Bradley - entre temps confiée à Hodges, Bradley lui-même étant nommé à la tête du 12e Groupe d’Armées - c’est la 3e Armée du Gen. Patton qui s’engouffrait dans le passage avec 7 divisions. La situation évoluait très vite : les Américains se ruaient sans rencontrer de résistance vers la Bretagne et la Loire, et le danger le plus grave du point de vue allemand était le 15e Corps d’armée, qui marchait sur Le Mans, c'est-à-dire sur leurs arrières.

Août 1944 – GI’s américains dans les ruines de Mortain. Bien qu’elle
eut enfoncé les lignes de front américaines, l’opération Luttich ne
menaça jamais réellement le goulot d’Avranches.
Face à cette situation, deux options s’offraient à Hitler. La première consistait à se replier sur une ligne Seine-Suisse, susceptible d’offrir des possibilités de défense cohérentes. La seconde était d’essayer de combler la brèche par une contre attaque visant à reprendre Avranches et arriver jusqu’à la baie du Mont Saint-Michel.

Contre l’avis de ses généraux qui penchaient de manière réaliste pour la première option, c’est la seconde option qui fut retenue par Hitler. Le plan, baptisé Lüttich, était simple : attaquer par surprise, de nuit, et progresser d’une cinquantaine de kilomètres afin de couper en deux le corridor d’Avranches. En conséquence, des unités blindées d’élite furent rassemblées à l’Est de Mortain. Les forces planifiées pour l’opération étaient les divisions SS Leibstandarte et Das Reich, ainsi que des éléments de la 116e PzD, les restes de la 2e PzD, et la poignée de survivants de la Panzer Lehr.

La réalisation fut confiée à von Kluge, réticent à cette initiative aux chances de succès peu réalistes. Conscient que chaque jour accentuait un peu plus la quantité de troupes pénétrant sur ses arrières, von Kluge décida de ne pas attendre d’hypothétiques renforts et déclencha l’attaque à minuit le 6 août. Or, avant même son déclenchement, l’opération était sérieusement compromise. D’une part, parce que les Alliés avaient déchiffré les messages codés précisant les déplacements de troupes : l’effet de surprise fut donc supprimé. D’autre part, parce que l’offensive ne démarrait qu’avec une partie des troupes affectées : von Kluge ayant précipité l’attaque, un gros détachement de la Leibstandarte n’était pas arrivé, tandis qu’une autre partie souffrait des attaques aériennes, perdant plus d’un quart de l’effectif initial au cours de sa montée au front ; quant à la 116e PzD, son bataillon de chars n’arrivera jamais sur le champ de bataille, son commandant préférant désobéir aux ordres que de sacrifier inutilement ses précieux blindés.

Le 6 août donc, à minuit, les Allemands organisés en deux colonnes lancèrent 150 chars à l’attaque des lignes américaines. Malgré l’absence de préparation d’artillerie, les éléments de la 2e SS Das Reich (colonne Sud), bousculèrent rapidement la 30e DI, dont certains bataillons furent isolés et durent combattre encerclés pendant plusieurs jours sur la côte 314. Bombardée la nuit par la Luftwaffe pour une fois présente, Mortain fut reprise au cours de la nuit.

Août 1944 – colonne allemande détruite au cours de "Lüttich". Le
gaspillage des dernières réserves blindées condamna toute possibi-
lité de réaction allemande dans les phases suivantes de la bataille de
Normandie. Pire, elle affaiblit le front nord, laissant enfin aux Brita-
nniques la possibilité de déboucher sur Falaise…
Au Nord, la seconde colonne constituée principalement de la 2e Division blindée aurait du rencontrer une résistance moindre. Effectivement, elle enfonça les lignes américaines de plus de 10 km, mais se heurta ensuite à la 9e DI à 3 km de son objectif. L’arrivée en renfort d’éléments tant attendus de la 1ère SS ne permit pas de débloquer la situation tout au long de la matinée.

Or, à midi, l’épais brouillard qui bloquait toute action de l’aviation alliée commença à se dissiper. Dès lors, l’omniprésence des chasseurs bombardiers Typhoon hypothéqua la poursuite de l’offensive : les salves de roquettes prélevèrent leur moisson de véhicules exposés à découvert. En quelques heures, von Kluge perdit près de la moitié des blindés engagés dans l’opération Luttich ainsi qu'une partie de ses dernières troupes d’élite SS. La contre-offensive allemande avait vécu.

L'échec de Mortain laissait le XLVIIe corps blindé allemand enfoncé en pointe dans le dispositif allié. En dépit du bon sens, Hitler refusait toujours de reculer ses positions vers l'est, ordonnant à ses blindés à court de carburant de tenir leurs positions. Les combats se prolongèrent donc au cours des journées suivantes, mais il était clair que les forces allemandes s’étaient enfoncées dans un piège – en déplaçant leur centre de gravité à l’extrémité ouest du front, elles ne laissaient plus qu’un rideau de troupes au nord et au sud. L’opération Totalise, lancée par les Canadiens sur la route de Falaise, allait s’efforcer de les prendre à revers.