Focus

Le Bourg St Léonard

Publie le 29/06/2012

La bataille du Bourg Saint Léonard

Le mardi 15 août 1944, la 90e division d’infanterie US prend position dans le Bourg St Léonard. Elle vient remplacer la 5e division blindée qui y avait déployé quelques chars depuis la capture de la ville le 13 août. Depuis, cette division également surnommée « V for Victory » avait reçu l’ordre de décrocher vers l’Est afin de poursuivre le mouvement vers la Seine.

Seule la compagnie A / Ier bataillon du 359e régiment prend position dans la commune. La companie C est déployée le long de la route du Bourg à Exmes et la compagnie B reste en réserve sur le Haras du Pin. La dispersion des troupes américaines est importante : le secteur pris en charge par le Ier bataillon couvre plus de 5km alors qu’en théorie, un bataillon tient un front de 700m.

Deux pelotons de la compagnie A se déploient dans le Bourg St Léonard : l’un à l’ouest face à la forêt de Grande Gouffern, l’autre à l’est sur le bord de la route de Chambois. Le 3e reste en réserve près du carrefour de la Lune.

Dans la matinée du mercredi 16 août, après une nuit relativement calme, un petit détachement composé de quelques hommes s’avance vers la forêt de Grande Gouffern. Il se heurte à une reconnaissance en force allemande et doit se replier rapidement, entraînant un mouvement de panique. Bientôt, ce sont les 2 pelotons déployés en première ligne qui se replient en désordre sur la partie Est du village.

Les soldats allemands qui mènent cette première attaque sont rapidement identifiés comme appartenant à une division blindée SS, la 2e « Das Reich », à la grande surprise du commandement américain qui découvre la présence de SS sur la zone alors qu’il pensait ces unités déjà évacuées vers l’Est.

Il faut toute l’énergie du chef de bataillon, le major Pond, pour redresser la situation. Il ordonne aux deux pelotons de reprendre les positions perdues, avec le 3e peloton en renfort de cette attaque. En parallèle, il demande à la compagnie B de se diriger sur le Bourg St Léonard et de prendre en charge la partie Sud de la commune.

Après s’être réorganisés, les trois pelotons lancent leur contre-attaque. Face à ce sursaut de la défense US, les Allemands se replient par endroits mais gardent sous leur contrôle la partie sud-ouest de la commune dans la vallée de l’Ure. Malgré ses efforts, la compagnie B, qui vient d’arriver, ne réussit pas à les en déloger. Appuyés sur la Petite Gouffern, les Waffen-SS se maintiennent et permettent ainsi l’évacuation d’autres unités allemandes qui se trouvaient encore au sud de l’Ure.


Alors qu’au Nord la situation est temporairement stabilisée et que la compagnie A parvient à réoccuper en grande partie ses positions initiales, les Allemands lancent en fin d’après midi une puissante contre-attaque (2 compagnies du 3ème bataillon du régiment « Deutchland » et trois blindés1, source allemande) précédée par un puissant et précis tir d’artillerie. L’infanterie allemande (10e compagnie) franchit la N24 bis2 entre la Rue l’Abbé et le Bourg St Léonard et, s’infiltrant par la vallée de l’Ure elle y développe ses attaques vers l’ouest et le sud du village, malgré l’opposition que lui offre la compagnie B.

Sous la pression, la compagnie B cède du terrain et découvre le flanc sud de la compagnie A. Prise dans une attaque concentrique, cette dernière est bousculée, son troisième peloton est encerclé et ne doit son salut qu’à l’intervention de Shermans. A nouveau, elle doit se replier sur le carrefour de la Lune. Le malgré-nous Jean Pierre T… qui appartenait à cette 10e compagnie se souvient : « Le mercredi 16 août, après une marche d’approche à travers la forêt de Gouffren (sic), nous sommes devant Saint Léonard (sic). [ …] Nous sommes en position d’attaque en début d’après midi. Après avoir contourné le village, la 10e Compagnie, très réduite, attaque par le sud alors qu’une autre soutenue par trois chars, attaque par le Nord. Les Américains, pris en tenaille, se retirent avec 2 chars. »

Au cours de la sortie du 7 juin organisée par le Mémorial de
Montormel, un vétéran présent au moment des combats livre son
témoignage.
Ce repli ne brise pas les forces du 1er bataillon. Après s’être réorganisées dans la soirée, les 2 compagnies américaines repartent à l’attaque appuyées par des tirs de mortiers et de mitrailleuses lourdes. La A progresse dans l’axe est-ouest le long de la N24 bis2 et la B, appuyée par des blindés, dans l’axe sud-est / nord-ouest par la route du Vieux Pin. Après de furieux combats, les Américains réussissent à prendre le contrôle du sud du village et à rejeter les Allemands dans la partie nord ouest (le château). Les Allemands gardent toutefois le carrefour du village sous leur feu, harcelant les GI’s. Pierre T. est fait prisonnier lors de cette contre-attaque : « Alors que notre section prend position à la lisière du village, nous sommes coupés du reste de la compagnie par une contre-attaque et notre gradé décide que nous nous rendions ».

Le jeudi 17 août, en début de matinée, les Allemands lancent une nouvelle attaque. Avec l’équivalent de deux bataillons appuyés par une dizaine de chars, ils tentent la même manœuvre que la veille en débordant le village par l’ouest. Les Américains leur offrent une forte résistance et les pertes grandissent de chaque coté. Dans l’action, le chef de la compagnie B, le capitaine Hutchens, est tué. Grâce à l’intervention de 5 Shermans dirigés par le major Pond en personne, les attaques allemandes sont enrayées et en milieu de matinée, les Américains sont à nouveau maîtres du Bourg Saint Léonard.

Ce répit est de courte durée car en fin de matinée les Allemands repartent à l’assaut. Malgré la fatigue et les pertes subies depuis la veille, la compagnie B dont l’effectif est tombé à une quarantaine d’hommes fait face à l’attaque et réussit à se maintenir sur ses positions. La compagnie A est bousculée et son 3e peloton une fois de plus est encerclé dans les ruelles de la commune. A nouveau, elle doit se replier sur la partie Est du Bourg St Léonard.

Ce n’est qu’en début d’après-midi que les Américains peuvent enfin lancer leur offensive prévue dans la matinée. Les compagnies A et B renforcées par un peloton de la compagnie C et soutenues par la compagnie C du 773e Tank Destroyer bataillon contre-attaquent. Dans le même temps le IIe bataillon du 358 régiment remonte à travers la Petite Gouffern en direction de Silly.

Leur flanc gauche couvert, les Américains peuvent développer leurs attaques de façon efficace et la jonction peut enfin s’opérer avec la compagnie F / IIe bataillon du 358e RI dans le secteur de Rue L’Abbé. Les combats font encore rage une bonne partie de l’après-midi. Néanmoins, la résistance allemande commence à décliner dans la soirée : la 2e SS Panzer division vient de recevoir l’ordre de rejoindre le 2e SS Panzer Korps sur le secteur de Vimoutiers.

Désormais, la défense du Bourg Saint Léonard est confiée au seul bataillon de reconnaissance de la 116e Panzer division qui à cette date ne possède plus que 80 hommes en état de combattre. Avec aussi peu d’hommes, les Allemands ne peuvent se maintenir dans la localité et ils cessent leurs attaques sur le Bourg Saint Léonard. La commune reste définitivement aux mains des américains : la bataille du Bourg Saint Léonard est terminée.

Stéphane Jonot

1 Provenant du IIe bataillon du panzer régiment 16 de la 116e panzer division.
2 Actuelle D926.