La chevauchée de Patton

Alors même que la bataille de la poche de Falaise n’était pas encore commencée, plusieurs unités américaines avaient réalisé des percées impressionnantes en direction de l’est.

Bradley, pour des raisons qui demeurent ambiguës, avait ordonné une pause dans la manœuvre d’encerclement alors que la 3e Armée était aux portes d’Argentan. Dégarnissant le front devant cette ville, il retourna l'essentiel de la 3e Armée de Patton en direction de la Seine. Son objectif était double: il s'agissait à la fois d'empêcher toute tentative allemande de reconstituer un front sur la Seine, et de mener des raids profonds sur les arrières ennemis, afin d'exploiter au maximum la désorganisation des lignes allemandes dans la seconde moitié d'août 1944.

Cette guerre de mouvement correspondait idélaement au tempérament de Patton, qui, retournant ses divisions vers l'est, avait lancé un mouvement de course sans précédent. Ses fers de lance s’articulaient comme suit:

  • Au nord, le 15e Corps (5e DB et 79e DI) devait avancer sur Dreux et la Seine;
  • Au centre, le 20e Corps (7e DB et 5e DI) progresserait vers Chartres et dans la région de l’Eure;
  • Au sud, le 12e Corps (4e DB et 35e DI) opérerait un raid sur Orléans en direction de la Loire.

La progression de Patton prit très vite l’allure d’une chevauchée fantastique : lançant tous ces chars dans une course effrénée, Patton roulait sans rencontrer de résistance sérieuse.

Sur le flanc gauche, la 5e DB, progressant à l’Ouest sur les talons des Allemands, se heurta à plusieurs reprises à différentes arrières gardes et dut affronter des éléments SS rassemblés qui ralentirent son avance sur Louviers. Par contre, la 79e DI Croix de Lorraine fut plus heureuse : elle parvint à libérer Mantes le 19, puis réussit à passer la Seine par un pont endommagé. Faute de résistance allemande, toute la division traversa pour constituer une première tête de pont en aval de Paris.

Au centre, le 20e Corps était à Chartres dès le 17 août. Son avance quotidienne se mesurait alors en dizaines de kilomètres. Le 21, la 7e DB couvrit 50 km et atteignit la Seine à Melun. A sa suite, la 5e DI approchait de l’Essonne. Arrivé là, le 20e Corps dut alors combattre pour continuer sa poussée. Trois assauts de la 7e DB se brisèrent sur les défenses allemandes à Melun, tandis que la progression de la 5e DI fut fortement ralentie. La retraite généralisée des forces allemandes permettra par la suite au 20e Corps de reprendre sa course.

27 août 1944 – un Sherman de la 7e DB traverse Montry, en pro-
gressant sur Meaux.
Au Sud, enfin, le 12e avait avancé par Châteaudun et entrait dans Orléans le 17. La ligne de la Seine étant en charge du 20e Corps, le 12e continua sa course à l’est de la Loire, avant de remonter au nord : le 21 août, alors que s’éteignaient seulement les combats pour la poche de Falaise, la 4e DB américaine entrait dans Sens et établissait une tête de pont sur l’Yonne !

Ce n’est qu’à partir de début septembre que l’avancée de Patton fut ralentie par des problèmes de ravitaillement et la crainte de Bradley de trop exposer les flancs. Mais on ne s’étonnera finalement que très peu en apprenant que les chars de la 3e Armée avaient pris Troyes et passé la Marne au 26, puis arrivaient devant Verdun le 31 août...