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Décès de Pierre Billaux, résistant et déporté

Publie le 31/12/2018

Pierre Billaux était coiffeur à Chambois. Depuis des années, c’était aussi l’historien local, celui qui conservait la mémoire d’une commune. De la période romaine en passant par le Moyen-Age, et jusqu’au 20e siècle, rien n’échappait à son esprit curieux. Il avait au fil du temps collecté une importante quantité de documents qui le hissaient au rang de référence : quiconque avait besoin d’une photo – telle de Chambois en 1900, ou telle d’une autre époque – demandait à Pierre Billaux.

S’intéressant à l’histoire d’un Chamboisien qui avait migré au Canada au 17e siècle, il avait établi de nombreux contacts avec les descendants de la famille de Lessard. Il avait aussi acquis une grande connaissance des combats de la poche d’août 1944, dont il a été un ambassadeur infatigable, donnant à Chambois le surnom de « carrefour de la liberté ».

Tous ne savaient pas qu’il incarnait aussi l’histoire, celle avec un grand H, son histoire personnelle étant indissociable de l’un des aspects les plus tragiques de la seconde guerre mondiale. 

Entré en résistance en 1944 à l’âge de 19 ans, il avait rejoint le réseau Vengeance. Il avait été capturé et torturé le 3 mai 1944. Après la prison d’Alençon, il avait transité par le camp de Royalieu à Compiègne avant d’être déporté au camp de Neuengamme, à côté d’Hambourg.

Ce camp de travail, dont plus de la moitié des 106 000 détenus sont décédés, servait entre autres de laboratoire d’expérimentations sur la tuberculose pratiquées par les médecins nazis sur les détenus. Travaillant dans des conditions épouvantables, Pierre Billaux réussit malgré tout à survivre jusqu’à l’évacuation du camp mi-avril 1945.

A l’approche des forces britanniques, les Nazis décidèrent de vider le camp en dirigeant les prisonniers vers le port de Lübeck. Perdu au milieu d’une colonne de 10 000 compagnons d’infortune, Pierre Billaux fut embarqué de force sur l’un des navires.

Hélàs, pris à partie par l’aviation alliée à peine en rade, les trois bateaux de son groupe – le Deutschland, le Thielbek, et le Cap Arcona coulèrent avec leurs prisonniers. Plus de 7 000 détenus périrent dans cette tragédie, dont Pierre réchappa par miracle. Il lui fallut plus d’un an pour retrouver la santé.

De cette douloureuse expérience, Pierre Billaux avait tiré un attachement aux idéaux de justice, qui devaient guider son engagement en faveur des droits de l’homme pendant toutes les années d’après-guerre. Bien que modeste sur son passé de résistant, il n'hésitait pas à évoquer sa déportation, intervenant auprès de classes d'écoles.

Ce 28 décembre, la Normandie a réellement perdu deux grands témoins de l’Histoire, locale et universelle.

 

Stéphane Jonot