Bluecoat - la progression britannique

Position britannique

31 juillet 1944 – une colonne blindée du 2nd Irish Guards,
Guards AD, progresse au sud de Caumont. © IWM B8276
Depuis le 6 juin, la progression des unités de Sa Majesté Georges VI avait de quoi frustrer. Alors que les Américains étendaient leur tête de pont, coupaient le Cotentin, capturaient le port de Cherbourg et se retournaient vers le sud, Britanniques et Canadiens progressaient lentement. La rive nord de Caen – objectif du jour J ! – ne fut capturée que le 8 juillet, et il fallut dix jours de plus pour dégager les abords sud de la ville.

Cette apparente lenteur n’était pas sans raison. Conscient de la valeur militaire des Britanniques et souhaitant à tout prix conserver Caen, Hitler avait concentré devant la 2e Armée de Dempsey les trois-quarts de ses unités d’élite – blindés et troupes SS. Les opérations montées par Montgomery se heurtèrent toutes à cet obstacle. Lors de l’opération Espom, fin juin, le 8e Corps se trouva ainsi confronté à l’ensemble du 2e SS-PanzerKorps… La disposition des forces ennemies entraîna les alliés à se répartir les rôles : tandis que les Britanniques fixeraient les forces allemandes dans le secteur de Caen, les Américains effectueraient les gains de terrain à l’ouest.

Dans cet esprit, une fois la percée obtenue avec l’opération Cobra, les Britanniques passèrent à l’attaque pour empêcher les Allemands de se porter sur le corridor d’Avranches. L’opération, baptisée Bluecoat, avait pour objectif de protéger le flanc gauche des Américains en poussant sur la région au sud de Villers-Bocage et de Caumont. Dempsey planifia une attaque classique, incluant :

Cette attaque devait être coordonnée avec l‘avancée de la 1ère Armée américaine (Hodges). Alors que Patton et sa 3e Armée pénétraient en Bretagne, Hodges progressait vers l’Est, agrandissant ainsi l’épaisseur de la brèche d’Avranches : Villedieu était libéré le 2 août, Mortain le lendemain...

Deux Corps d’armée dans la bataille

L’opération Bluecoat fut lancée le matin du 30 juillet. Sur le front du 8e Corps, la 15e DI, qui menait l’assaut, fut initialement retardée par la profondeur des défenses adverses, mais parvint à les surmonter et à progresser en direction de la côte 309. En chemin, la 6th Guards brigade qui assurait son soutien blindé subit la contre-attaque de 3 Jagdpanthers du s.PanzerJager Abt. 654, et ne parvint à les mettre en fuite qu’après avoir perdu une dizaine de Churchill… Un peu plus à l’ouest, la 11e DB réussit à s’emparer de Saint Martin des Besaces le 31 juillet. La chance sourit aux audacieux : un pont, laissé sans surveillance par les Allemands, permit aux éléments avancés du 2nd Household Cavalry de traverser la rivière Souleuvre en début d’après-midi.

1er août 1944 – Sur un Sherman Firefly, des soldats britanniques
fêtent la capture du Bény-Bocage. © IWM B8343
Cette progression rapide commença à créer une brèche dans les défenses allemandes. Von Kluge se vit obligé d’engager ses dernières réserves – en l’occurrence, la très affaiblie 21e PzD – dans l’espoir de maintenir la ligne de front. Malgré sa faiblesse, elle parvint à ralentir la progression de la Guards, engagée plus tardivement dans l’opération, au sud de Saint Martin des Besaces.

La situation était beaucoup moins brillante du côté du 30e Corps. Les Allemands avaient couvert l’axe d’attaque britannique de champs de mines, et l’attaque initiale de la 50e DI s’enlisa à moins de deux kilomètres de la ligne de départ. La 43e DI fut pour sa part arrêtée devant Cahagnes. Souhaitant relancer l’offensive, Bucknall, commandant du 30e Corps, engagea prématurément la 7e DB, qui se retrouva emmêlée avec l’échelon arrière de la 43e DI, et ne put progresser que de quelques kilomètres malgré l’absence d’opposition ennemie. Pire, le 3 août, une contre-attaque de la 10e SS-PzD rejeta les Desert Rats sur leurs positions de départ.

Malgré la capture de Jurques par la 43e DI, les derniers échecs de la division blindée exaspérèrent Montgomery, qui fit limoger Bucknall et Erskine (commandant la 7e DB). Ces mesures radicales ne portèrent pas leurs fruits immédiatement, et ce n’est que le 5 août que le 1st Tank Regiment atteignit finalement ce qui restait d’Aunay sur Odon. Le lendemain, la 43e DI se rua à l’assaut en direction de son objectif prinicpal, le Mont-Pinçon, et fut initialement arrêtée par le feu nourri des mitrailleuses allemandes. Les pertes montèrent cruellement, avant que la découverte d’un sentier non gardé ne permette au 13/18th Hussars d’ouvrir la voie vers le sommet, où il fut rejoint par l’infanterie de la Wessex.

Sur le front du 8e Corps, l’établissement de la tête de pont sur la Souleuvre permit de développer l’offensive. Le 2, une colonne de la 11e DB (23rd Hussars, 3rd RTR, 4th Shropshire) s'avançait vers Le Désert et Presles, rencontrant une vive résistance de la part de la 9e SS-PzD. De son côté, une seconde colonne (Fife and Forfar, 3rd Monmouthshire) partait en direction de Burcy et atteignait Pavée à la nuit tombante. Ces développements amenèrent Dempsey à jeter dans la bataille la 3e DI, transférée de Caen, qui progressera désormais à la jonction avec les Américains.

Août 1944 – bombardement d’Aunay sur Odon. On observe
autour de la ville le vaste réseau du bocage normand.
© CR Basse Normandie – National Archives USA
Malgré les contre-attaques allemandes, qui incluaient les 9e et 10e SS-PzD, mais aussi des éléments totalement hétéroclites comme des bataillons mongols des Osttruppen, les objectifs saisis demeurèrent aux mains des Britanniques. Toujours en tête, la 11e DB libéra le bourg de St Charles le 5 août, au prix d’une dizaine de chars perdus. La capture de Vire ayant finalement été confiée aux Américains, le 8e Corps prolongera son offensive en direction de Condé sur Noireau et Flers, le 30e se dirigeant désormais vers Thury-Harcourt.

Même si elle fut coûteuse, la progression de O’Connor permit d’obtenir des résultats imposants. Premièrement, elle permit d’accrocher efficacement les forces allemandes, laissant les Américains libres de s’enfoncer dans la brèche d’Avranches. Deuxièmement, elle obligea Von Kluge à engager ses dernières réserves, et, en préparation de la contre-attaque sur Mortain, à retirer ses troupes derrière l’Orne jusqu’à Thury-Harcourt. Le 12e Corps en profitera immédiatement : dès le 4 août, ses 53e et 59e DI s’empareront de la côte 112 et de Villers-Bocage, objectifs inatteignables malgré les efforts inouïs des deux mois précédents…

Il reste qu’au terme de la première semaine d’août, l’axe stratégique de l’avancée britannique s’est déplacé. Lorsque Bluecoat s’achève le 6 août, les Américains avaient largement contourné le front allemand et approchaient Le Mans. Plutôt que de se contenter de repousser l’ennemi, il s’agit désormais de déboucher sur ses arrières avant qu’il n’ait eu le temps de se replier derrière la Seine. L’idée de refermer les 5. et 7. Armées dans une nasse commençait à germer dans l’esprit du haut commandement allié…