Le Tigre de Vimoutiers

Mis en ligne: 2010-05-06

Le vestige

Visible à la sortie de Vimoutiers au bord de la route en direction de l’Aigle- Gacé, ce blindé est un char Pzkw VI "Tiger" I auf. E. Il s’agit du dernier char Tigre visible en plein air et gratuitement dans toute l’Europe. Le seul autre visible en France se trouve au musée des blindés de Saumur.

En regardant le char de plus près, on constate son mauvais état : les années passées au grand air, sous les intempéries, ainsi que le début de son ferraillage au début des années 70 ont fragilisé la caisse de ce prestigieux mastodonte et laissent encore aujourd’hui des stigmates sur sa tourelle. A l’arrière, l’ensemble du circuit d’échappement a disparu, tandis que les écoutilles de l’équipage, à l’avant, ont été remplacées par un colmatage ad hoc. Les érudits remarqueront également que la peinture de camouflage actuelle s’écarte sensiblement des standards de l'armée allemande en 1944.

Malgré ces imperfections, le Tigre de Vimoutiers, lourd de ses 56 tonnes et fort de son canon 88mm 36 L/56, est une curiosité valant le détour. Voici son histoire dans la perspective des combats de la poche de Falaise – Chambois.

Aperçu historique

Le Tigre de Vimoutiers, poussé dans le bas-côté de la route. A la fin du mois d’août 1944, la bataille de Normandie touche à sa fin. Soulevant des nuages de poussières sur leur passage, des milliers de véhicules allemands sillonnent les routes de l’Orne se dirigeant inexorablement vers l’est, camouflés sous des amas de branchages destinés à les protéger de l’aviation alliée.
La chaleur du mois d’août est terrible pour les équipages se trouvant dans les blindés. Les températures élevées nuisent également aux moteurs, qui se retrouvent régulièrement en surchauffe, surtout dans les paysages vallonnés du pays d’Auge.

Au milieu de cette masse improbable de véhicules allant du char au chariot hippomobile se trouve ce Tigre. Il aurait vraisemblablement appartenu au 102e bataillon de chars lourds de la Waffen-SS*, équipé initialement de 45 Tigres semblables à celui-ci. Il semble que ce blindé (venant très probablement du secteur de Falaise) se soit dirigé vers le château de l’Horloge (au croisement des routes Vimoutiers - Gacé et Roisville - Orville) afin de se ravitailler en carburant. En effet, le parc du château servait de dépôt et contenait des milliers de litres de carburant.

Une autre vue du même Tigre. On apperçoit clairement la tourelle
désaxée lors du sabordage du char par son équipage.
Malheureusement, les soldats de l’intendance chargés de la distribution avaient déjà retraité vers l’est, si bien que bon nombre de blindés ou de véhicules passeront devant le dépôt et continueront leur route sans ce précieux ravitaillement. Toutefois, notre Tigre ne parviendra pas jusqu’au parc du château puisqu’il tombera en panne quelques kilomètres avant d’atteindre son objectif, son moteur victime apparemment d’une surchauffe.

Le Tigre a alors été sabordé par l’équipage puis abandonné au milieu de la route. Ce sont les unités du génie allié qui vont repousser la carcasse du félin dans le bas côté de la route où il restera pendant de nombreuses années, avant de trouver sa destination présente en Février 1975.

Frédéric Normand


* Les témoignages des vétérans allemands se contredisent à ce sujet. Selon certains, il aurait bien appartenu au Schweres SS Panzer-abteilung 102, tandis qu’un autre témoignage le rattache au Schweres SS Panzer-abteilung 101. L’appartenance au 102e sera ou non confirmée dans les prochains mois, lors de travaux de maintenance et d’entretien prévus sur le char.



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