16-18 août 1944: la formation de la poche

La Wehrmacht retraite

17 août 1944 – une chenillette de la 1ère DB progresse à Fontaine
les Bassets. Objectif : Chambois. Source : archives dépt. de l’Orne
Si Falaise avait été l’objet de la mobilisation d'importants moyens, sa libération intervint pourtant trop tard. En effet, dès le 15 août, les forces allemandes avaient commencé à s’extraire du piège mortel que leur préparaient les alliés. Après s’être entêté à conserver ses positions à tout prix, Hitler avait validé le 16 août un mouvement de retraite sur la Touques, puis la Seine, mouvement que ses officiers avaient de facto entamé quelques heures auparavant sur le terrain. Désormais, la jonction des Britanniques et des Américains doit avoir lieu plus à l’est, sans quoi le piège allié se refermera dans le vide !

Or, le 15 août, les unités de la 1ère DB Polonaise qui ne prenaient pas part à l’attaque frontale de Tractable avaient bousculé les Allemands entre Assy et Rouvres, parvenant sur la Dives à Jort. Tandis que les Cromwell du 10e PSK réussissaient à repousser une contre-attaque de panzers, une patrouille de reconnaissance menée par le lieutenant Maksymowicz captura quelques soldats russes des Osttruppen, qui indiquèrent aux Polonais le moyen de passer la rivière par un gué, en évitant de recourir aux ponts préalablement minés par le génie allemand. Le régiment de reconnaissance de la 1ère DB parvint alors à franchir la Dives et à se positionner sur la berge opposée : la percée tant attendue sur les arrières allemands était effectuée. Le Corps canadien pouvait désormais descendre vers le sud et tendre la main aux Américains.

La traversée de la Dives, en même temps qu’elle créait une opportunité nouvelle pour les Alliés, faisait peser un grave danger sur les lignes de retraite allemandes. Pour les deux camps, le temps s’accélérait et il fallait désormais faire très vite. A l’ouest, Tinchebray, Sourdeval, puis Domfront furent capturés entre le 13 et le 15 août. Les Américains et les Britanniques se rejoignirent à l’Ouest de Flers le 15. A cette date, c’est 150 000 Allemands qui étaient enfermés dans un espace de 50 sur 20 kilomètres, avec pour seule sortie une étroite bande à l’Est de l’axe entre Argentan et Falaise. Et cette bande se rétrécissait à chaque instant...

Les Américains hésitent

Du côté Sud de la tenaille, la 2e DB Française de Leclerc, qui avait combattu pour la libération d’Alençon puis d’Écouché, avait approché d’Argentan dès le 14, même si ses patrouilles avaient été chassées de la ville après l'avoir trouvée fermement défendue. Or, un ordre de Bradley arrêta à cette date et pour quelques jours la progression de tout le 15e Corps US en direction du nord, permettant à des dizaines de milliers d’Allemands de sortir de la poche.

La décision de Bradley entraina également une réorganisation de la chaine de commandement: le 15e Corps relevant de Patton, et Patton lui-même réclamant l'offensive à tout prix, Bradley redirigea l'ensemble de la 3e Armée vers l'est. La 5e DB américaine, jusqu'alors fer de lance du 15e Corps, fut dirigée sur Dreux, tandis que les 2e DB française, 80e et 90e DI américaines, passaient sous contrôle du 5e Corps. Finalement, l’avancée en direction du nord reprit le 17 : s’il était trop tard pour l’encerclement sur un axe Falaise - Argentan, il fallait essayer de réaliser la jonction un peu plus à l’est : ce sera l’axe Chambois-Trun.

En effet, les Polonais, après avoir forcé la Dives à Jort puis à Vendoeuvre, descendirent plein Sud par Barou en Auge. Le 16 au soir, le 24e lanciers perdit plusieurs chars en repoussant une contre-attaque du côté de Morteaux-Couliboeuf, avant d’être rejoint par la 4e DB Canadienne. Le 17, les Polonais avaient dépassé Louvières et s’installaient sur les collines surplombant Trun par le nord, tandis que les Américains de la 90e DI approchaient du Bourg-Saint-Léonard. Pour les 110 000 Allemands encore enfermés dans la poche, la porte de sortie ne mesurait plus que 15 km de large…

La progression vers Chambois

Tandis que Polonais et Américains cherchaient à gagner Chambois,
le rouleau compresseur britannique repoussait les Allemands vers
l'est. Ici, la 11e DB dans Flers, le 17 août 1944. IWM B9330
Dès la nuit du 17 au 18 août, sans attendre le regroupement de toutes leurs forces, les Polonais, comprenant le prix du temps, avaient repris leur attaque. Coupant la route de retraite Trun - Vimoutiers, un groupement composé du 2e RB et du 8e chasseurs s’était orienté vers Chambois. Dans l’obscurité, guidés par un guide qui a mal compris leur demande, les Polonais se retrouvèrent non pas à Chambois, mais aux Champeaux, en plein sur le QG de la 2e PzD... Les combats firent rage, mais l’intervention énergique du 8e chasseurs permit néanmoins au groupe de se dégager en fin de matinée.

Or, dans la matinée, les plans avaient changé. En effet, Maczek, commandant la 1ère DB, avait repéré sur les cartes les premiers contreforts du pays d’Auge, qui lui semblaient plus faciles à défendre que la vallée de la Dives. En raison de sa forme caractéristique, cette hauteur fut surnommée Maczuga (la massue). C’est donc dans cette direction que fut redirigé le groupe Koszutski. A court de ravitaillement, obligé de s’ouvrir la route dans la masse des unités allemandes en retraite, il ne put atteindre son objectif. Après une difficile progression, il se retrancha sur la côte 240 à la tombée de la nuit.

De son côté, le 10e PSK coupa perpendiculairement les lignes de retraite allemandes et poussa jusqu’aux abords immédiats de Chambois. Après avoir effectué sa mission d’éclaireur, il revint à son point de départ.

Pendant que les Polonais finissaient de se dégager des Champeaux, les Canadiens libéraient Trun des derniers traînards SS au matin du 18 août. La 4e DB canadienne détacha ensuite une colonne blindée composée du South Alberta Regiment et du Argyll and Sutherland Highlanders sous le commandement du major D.V. Currie. Sa mission était ambitieuse : en suivant la route Trun - Chambois, ce groupe devait s’emparer du pont de Saint-Lambert puis établir le contact avec les Américains attendus sous peu en provenance du sud. Ce faisant, il couperait les derniers points de passage de la Dives aux Allemands de la poche. Dans l’après-midi, le détachement Currie approcha de l’extrémité Ouest du village, mais fut pris à partie par des anti-chars allemands positionnés dans le village même. Accusant la perte de deux chars, Currie se replia sur une butte à l’entrée du hameau – la côte 117.

Les forces allemandes encore présentes dans la poche ont su profiter des difficultés polonaises aux Champeaux et du coup d’arrêt porté à la colonne Currie à Saint Lambert. Bien que repoussé à Trun, le 2e SS-PanzerKorps termina de traverser la Dives à midi et prit la route de Vimoutiers. En effet, ses deux divisions organiques (2e SS-PzD et 9e SS-PzD) avaient reçu la mission hautement importante de se réorganiser dans le pays d’Auge, en vue de contre-attaquer les forces alliées sur le point de fermer le passage aux restes des 5e et 7e armées allemandes.